National League » Consternation. La fin de saison de Gottéron était au centre des discussions à l’heure du café, hier matin aux quatre coins du canton de Fribourg. La preuve, encore une fois, que les Dragons ne laissent quasiment personne indifférent dans la région. Le vent, la pluie et le ciel gris, surtout le matin, ajoutaient à la morosité ambiante. A la patinoire, il n’y avait guère que le responsable du matériel Olivier Sugnaux ou l’entraîneur physique Simon Holdener à s’activer près des vestiaires. Joueurs et entraîneurs ruminaient, chacun chez soi, après un réveil compliqué. L’entraîneur et directeur technique Christian Dubé, qui évoquait même la possibilité de se retirer quelques minutes après l’élimination à Lugano, demandait un délai avant de s’exprimer. «Rien avant lundi.» Respectivement président et directeur général, Hubert Waeber et John Gobbi ont répondu à nos questions du jour d’après.

«Cela fait toujours bizarre quand la saison prend fin, surtout si c’est sur une défaite», avance John Gobbi. Et d’ajouter: «C’est triste, parce que cela se termine beaucoup trop tôt.» Hubert Waeber insiste: «Je suis déçu, déçu et déçu. Complètement. Comme l’ensemble du staff, les joueurs ou les fans. Nous voulions nous qualifier directement pour les play-off. C’est loupé pour deux points. Nous n’avons pas passé les pré-play-off. Ce n’est pas notre défaite lors du dernier match qui est en cause, mais les six revers consécutifs à domicile. C’est triste et malheureux.»

«Il y aura des discussions»

«Nous avons aussi manqué notre objectif en Champions Hockey League», rappelle John Gobbi. «Nous devons faire une analyse à l’interne. Il y aura des discussions. Il faut comprendre ce qui a marché, moins bien marché, pas marché et, surtout, définir ce qu’il faut pour revenir plus fort la saison prochaine.» Hubert Waeber a déjà sa petite idée: «Plusieurs joueurs n’ont pas «performé» comme ils l’avaient fait la saison précédente. Certains étrangers n’ont pas apporté ce qu’on attendait d’eux. Nous étions très contents que Dubé ait rapidement pu former son contingent. Nous ne pouvions imaginer, qu’en raison du conflit en Ukraine, septante joueurs de KHL se retrouveraient sur le marché et que tout le monde puisse en profiter!» Précisons toutefois que Gottéron a engagé Kuokkanen en juillet et Rask en automne.

Plus que la casquette de directeur sportif de Christian Dubé, ce serait celle d’entraîneur qui pourrait être remise en cause. «Il est prématuré d’en parler. Il a encore un contrat en cours (jusqu’en 2025, ndlr). Nous devons discuter avec lui. On ne va pas juger un travail de plusieurs années sur une série, de dix ou même quinze matches», glisse John Gobbi. «On peut aussi couper la tête du président», avance Hubert Waeber. «Nous avons confiance en Dubé et c’est pour cette raison que nous l’avons prolongé (en juin 2022, ndlr). Il a en principe encore un contrat de deux ans. Il faut analyser et voir où il est possible de nous renforcer. Beaucoup d’équipes ont deux assistants et nous n’en avons qu’un. Il faut y réfléchir à tête reposée. Nous avons du temps maintenant. On ne va rien précipiter», assure le président. Et d’insister: «Ce n’est pas acceptable de ne pas avoir atteint les objectifs fixés. Nous allons trouver une solution ensemble, pour nous adapter et nous améliorer. Il est trop tôt pour tirer le bilan, mais tout le monde a vu ce qu’il manquait: on n’arrive pas à marquer…»

Avec un taux de remplissage de la BCF Arena de 99%, Fribourg-Gottéron limite la casse d’un point de vue financier. «Nous devrions boucler l’exercice sur des comptes équilibrés», annonce John Gobbi. Le budget était établi sur la base de 28 matches à domicile, les 26 de la saison régulière et deux de phase finale. Il en manque un. «C’est un manque à gagner de 200 000 francs dans les domaines du ticketing, du merchandising, de la gastronomie», déclare le directeur général qui évoque encore les primes prévues pour une participation aux pla-yoff dans certains contrats de sponsoring. «La saison précédente, nous avions budgétisé un bénéfice de 200 000 francs et nous en avions dégagé un de 700 000 francs. Cette fois, nous avions budgétisé un bénéfice de 300 000 francs. Nous pensons y arriver, mais nous en espérions un plus élevé pour investir dans le musée, des places supplémentaires, le mouvement juniors ou l’équipe féminine», rappelle Hubert Waeber. «Nous avons un prêt Covid de deux millions à rembourser. Forcément, le manque à gagner va impacter les investissements prévus», explique John Gobbi. «Ce n’est pas dramatique, mais c’est dommage. Nous avons perdu un an», conclut le président.

Coup par coup

Coup de cœur: Julien Sprunger

Les années passent mais le capitaine tient toujours la barre. A 37 ans, il boucle une nouvelle saison à plus de 30 points, 33 exactement. Au point par match, l’ailier est même le meilleur joueur suisse du contingent fribourgeois (0,67). A 5 contre 5, le jeu est parfois un peu rapide pour lui, mais le buteur sait profiter des supériorités numériques pour se distinguer. En inscrivant 9 de ses 15 buts lors des situations spéciales, le N°86 des Dragons a prouvé qu’il est une pièce maîtresse du power-play fribourgeois. Alors qu’il ne reste plus qu’une année de contrat à «Juju», Gottéron pourra difficilement ne pas lui proposer de prolongation. Car les années défilent, mais le capitaine reste, contre vents et marées, un atout offensif majeur de Gottéron. FR

Coup de massue: Nathan Marchon

Personne ne s’attendait à ce que Nathan Marchon, attaquant complet dont la mission première consiste à bien défendre, enchaîne un deuxième championnat à 31 points et 20 buts. Personne ne s’attendait non plus à ce que l’ailier de 26 ans, auteur de 4 goals et de 6 assists, passe de meilleur buteur de Gottéron à deuxième Marchon de la ligue – derrière Marc, de Kloten – en si peu de temps. De 26% en 2021/2022 à 6% cet hiver, le taux d’efficacité du N°97 devant la cage adverse est passé d’un extrême à l’autre, de même que sa confiance. Mettant un point final à son sixième exercice complet dans l’élite par un 28e match de rang sans trouver le chemin des filets, Marchon doit rapidement tourner la page, pour mieux revenir l’été prochain. Joueur de rôle par excellence, sa réalité se situe quelque part entre ses deux dernières saisons antinomiques. PSC

Les fiers services de Connor Hughes

Les gardiens, note: 4,9

Comment lui jeter la pierre? Programmé pour n’être que le N°2, habitué à se nourrir des miettes laissées par l’ogre Reto Berra, Connor Hughes a répondu présent plus souvent qu’à son tour, permettant à Christian Dubé d’engager un joueur de champ étranger supplémentaire (Victor Rask) plutôt qu’un gardien. Rattrapé par une fatigue aussi physique que mentale après avoir enchaîné 20 titularisations et représenté, fin décembre, ses deux pays d’adoption, le Canado-Suisse, qui a disputé plus de 40 matches, Ligue des champions, Coupe Spengler et équipe de Suisse comprises, a fini sur les rotules.

Péjorées par la fin, pénible, de son mandat, ses statistiques inférieures à la moyenne (90,7%) ne doivent pas éclipser les fiers services rendus par le futur Lausannois. Il est plus difficile de noter Reto Berra. Sur la touche durant 4 mois après avoir joué 6 matches le dos en compote, le Zurichois a soufflé le chaud et le froid à son retour à la compétition. Problème: l’important contrecoup qu’il a subi durant la deuxième moitié de février a coûté de précieux points à Gottéron… PSC

Un système qui a fait ses preuves

La défense, note: 4,7

Le système défensif de Fribourg-Gottéron a fait ses preuves. L’équipe laisse peu de tirs à ses adversaires. Avec seulement 25 lancers accordés par match en direction de leur cage, les Dragons sont les moins permissifs de Suisse. Une rigueur qui fait que Gottéron encaisse peu.

L’expérience de joueurs comme Raphael Diaz et Ryan Gunderson, leaders incontestés de la défense, est précieuse. Elle bonifie des défenseurs tels Benoît Jecker, qui a disputé sa meilleure saison depuis son retour, et Simon Seiler, modeste joueur de Swiss League qui a su se faire une place à l’étage au-dessus.

Les choses se compliquent quand Gottéron n’a pas le temps de s’organiser ou lorsqu’il doit le faire avec un homme de moins sur la glace. Le box-play n’a pas été bon (75,3% de réussite, 11e de National League). Il doit être l’un des axes de travail en vue de la saison prochaine. Autre déficit, plus compliqué à corriger: un certain manque de talent. Si les défenseurs sont disciplinés dans leur zone, ils peinent à amener le danger devant le but adverse, où ils se montrent souvent approximatifs et/ou maladroits. FR

Sur courant alternatif

L’attaque, note: 4,4

Derrière les vétérans Sprunger et Desharnais, les satisfactions sont écrasées sous le poids des déceptions. Sur courant alternatif comme depuis le début de sa carrière, l’infatigable Bertschy a enchaîné périodes fastes et moments creux. N’a-t-il pas inscrit 22 de ses 34 points en seulement 15 matches? Bien que crédité d’un bilan comptable similaire, Mottet finit l’année sur une mauvaise note. Il est question d’attentes et d’attitude. Là où le Singinois compense son inconstance par de l’intensité, le N°71 s’est trop souvent distingué par un jeu stéréotypé et décousu.

Plus encore que Schmid, Jörg, Bykov, Walser, autant de joueurs dont le temps de jeu et/ou l’utilisation expliquent en partie les performances moyennes, Marchon est l’attaquant qui a le plus régressé. Que dire de la brigade nordique? Fantomatiques à leurs débuts, Rask et de la Rose ont su s’adapter au fil du temps, contrairement à Kuokkanen, énigmatique ailier qu’on imagine mal retourner en NHL. L’adjectif vaut aussi pour Sörensen, Dragon le plus prolifique (0,89 point par match) dont le talent, évident, n’a d’égal que la suffisance. PSC

Une passivité préjudiciable

L’entraîneur, note: 3,9

Pas aidé par le directeur sportif Dubé, moyennement inspiré l’été dernier (Vainio, Kuokkanen, Scheidegger), le coach Dubé n’a jamais trouvé la bonne recette avec son équipe. Résultat: la saison a été longue, très longue par moments pour l’entraîneur fribourgeois.

Dès les premiers matches, il a fustigé la suffisance de ses hommes, leur reprochant, notamment, de se reposer sur leurs lauriers de la saison passée. Si l’on peut y voir un signe de clairvoyance, on peut aussi s’étonner de la passivité du coaching staff une fois ce constat dressé. A part brasser ses lignes, du premier au dernier (!) match de la saison, qu’a-t-il mis en place pour aider les Dragons à gagner en constance? Pas assez organisés en phase offensive – que de choix hasardeux! –, ils se sont trop souvent reposés sur leur jeu de puissance. Suffisant lorsqu’il a fonctionné mais problématique dès qu’il a coincé…

Pour franchir un palier, Gottéron doit amener davantage de concurrence dans ses rangs et apprendre à jouer comme une équipe de play-off. Ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui. FR

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